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[19 septembre 2014]
Dans De la division du travail social (1893), Emile Durkheim utilise la notion de « solidarité sociale ». Il s’agit du lien moral qui unit les individus d’un même groupe, et qui forme le ciment de la « cohésion sociale » : pour qu’une société existe, il faut que ses membres éprouvent de la solidarité les uns envers les autres. C’est aussi en examinant les changements dans la forme de ce lien que Durkheim entend expliquer l’évolution des sociétés humaines.
La solidarité mécanique selon E. Durkheim
« Les sociétés traditionnelles se caractérisent, selon lui, par une solidarité sociale dite mécanique (…) Dans cet univers, les sentiments collectifs sont très forts et clairement définis, suscitant des émotions vives : tout imprégnés d’interdits religieux, les sentiments domestiques, par exemple, sont très réglementés et partagés unanimement par les individus. La conscience collective, c’est-à-dire “l’ensemble des sentiments communs à la moyenne des membres d’une même société’’, est fortement présente à chacun. En conséquence, tout “crime’’, c’est-à-dire tout acte qui vient la heurter en froissant les états forts et définis, suscite mécaniquement une réaction énergique et collective, car alors l’infraction soulève chez tous ceux qui sont témoins, ou en savent l’existence, une même et intense indignation (…). La peine consiste alors dans une douleur, ou tout au moins une diminution infligée à l’agent, elle a pour objet de l’atteindre dans son honneur, sa fortune, sa vie (par exemple sous l’Ancien Régime, une mutilation en place publique) ou sa liberté, et ne se contente pas d’une simple remise des choses en l’état. Elle a bien souvent un caractère expiatoire. »
La solidarité organique selon E. Durkheim
A contrario, le droit restitutif n’exige pas forcément une souffrance de l’agent, mais consiste dans la remise des choses en l’état, dans le rétablissement sous leur forme normale des rapports qui ont été troublés. Tandis que le droit répressif se trouve diffus partout dans la société, le droit restitutif se crée des organes spéciaux (tribunaux, conseils de prud’hommes, etc.). Dans ce cas, les règles que déterminent les sanctions restitutives n’atteignent pas tout le monde, mais concernent des parties restreintes de la société qu’elles relient entre elles (le paiement de dommages et intérêts par exemple).
Ce type de droit révèle une autre forme de lien social dans lequel les individus sont solidaires grâce à un système de fonctions différentes et spéciales qu’unissent des rapports définis, et notamment la division du travail. Caractéristique des sociétés modernes, cette solidarité est dite “organique’’ parce que l’individu dépend d’autant plus étroitement de la société que les tâches sont divisées (...).
Durkheim note que “dans une même ville les professions différentes peuvent coexister sans être obligées de se nuire réciproquement, car elles poursuivent des objectifs différents’’ ; au contraire, il est inévitable que des organes similaires s’atteignent, entrent en lutte et s’efforcent de se substituer les uns aux autres. La division du travail est donc un “dénouement adouci’’ de la lutte pour la vie. En ce sens, c’est une loi de l’histoire que la solidarité mécanique perde progressivement du terrain au profit de la solidarité organique. »
« L’engagement de l’État en matière de solidarité remonte essentiellement au lendemain de la crise économique des années 1930 et de la Seconde Guerre mondiale. Il prend la forme de l’État-providence : l’intervention de l’État dans la vie économique et sociale apparaît nécessaire afin de lutter contre la pauvreté et les inégalités et d’assurer la cohésion nationale. Cette prise de conscience est inscrite dans le préambule de la Constitution française de 1946 (repris par celle de 1958), qui garantit le droit au travail, la protection de la santé, l’accès à l’instruction, la sécurité matérielle (…). Concrètement, elle est à l’origine de la création de plusieurs institutions de protection sanitaire et sociale, reposant sur des systèmes d’assurance obligatoire organisés par l’État : la sécurité sociale est créée dès 1945 ; c’est également dans les années d’après-guerre qu’est mise en place l’assurance-chômage. La solidarité nationale est notamment financée par l’impôt sur le revenu, qui repose sur une redistribution des richesses, chaque citoyen y contribuant en fonction de ses moyens.
À partir des années 1970, avec le début de la crise économique et la montée du chômage (…), face à l’aggravation de la pauvreté et de l’exclusion, de nouveaux dispositifs de solidarité sont mis en place, tels que le revenu minimum d’insertion (RMI), en 1988, ou encore, en 2000, la couverture maladie universelle (CMU), destinée à assurer l’accès aux soins des personnes défavorisées en étendant à tous les prestations de la sécurité sociale.
(…) les initiatives de solidarité privées augmentent, (…) [aussi grâce à] un grand nombre d’associations. »
[1] Encyclopaedia Universalis, article de Jean-Christophe MARCEL.
[2] Larousse, définition de la solidarité.