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"Recommandations pour améliorer la participation des personnes en situation de pauvreté et d’exclusion à l’élaboration, à la mise en oeuvre et à l’évaluation des politiques publiques"

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[25 octobre 2011] Un groupe de travail du CNLE a été reçu, le 21 octobre 2011, par Mme Bachelot-Narquin, ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, et lui a remis ce rapport qui répond à une saisine de la ministre.
Le rapport analyse les enjeux de cette participation, dresse l’état des lieux des pratiques expérimentées tant par le secteur associatif que par les administrations et les collectivités territoriales, et présente les préconisations du groupe de travail.

Le groupe de travail du CNLE s’était rapidement attelé à cette mission pour répondre à une commande de la ministre, adressée à Etienne Pinte, président du CNLE, le 28 février 2011.

La mission du groupe, précisée dans ce courrier, était de :
-  définir les moyens de développer l’expression directe des personnes en situation de pauvreté lors de l’élaboration et de l’évaluation des politiques publiques qui les concernent et les conditions pour donner sa pleine efficacité à cette expression ;
-  cerner les différents modes de participation possibles au niveau institutionnel ;
-  souligner les freins à la participation dans ce domaine ;
-  définir les modalités et les cadres de sa mise en œuvre ;
-  être particulièrement attentif aux questions d’éthique.

Le groupe de travail, co-présidé par Matthieu Angotti, directeur général de la FNARS, et Bruno Grouès, conseiller spécial du directeur général de l’UNIOPSS, était composé de 22 membres du CNLE (élus, associations, conseils et comités, partenaires sociaux, personnalités qualifiées, administrations...). Au bout de quelques séances, il a été décidé d’associer aux travaux du groupe des personnes en situation de précarité. L’invitation a été adressée à trois délégués du Conseil consultatif des personnes accueillies (CCPA).

Le rapport se compose de trois grandes parties présentant successivement les enjeux de la participation des personnes en situation de pauvreté, l’état des lieux des pratiques de participation expérimentées tant par le secteur associatif que par les administrations et les collectivités territoriales, et enfin les préconisations politiques et méthodologiques du groupe de travail qui prennent la forme d’une quarantaine de recommandations ou pré-requis, organisés autour de trois axes majeurs.

Principales conclusions du rapport

La pauvreté et l’exclusion ne sont pas une situation voulue mais une condition sociale imposée. Les personnes en situation de pauvreté et d’exclusion ne forment pas un groupe communautaire clos qui défend ses intérêts propres au travers d’un système institutionnel. Elles sont les détentrices de savoirs de vie essentiels que personne ne peut connaître ou exprimer à leur place. En revanche, ces savoirs ne peuvent être source de changement et de transformations que s’ils entrent dans un dialogue avec d’autres types de savoirs et de responsabilités qui ont également leur légitimité.

La participation des personnes en situation de pauvreté a été mise en œuvre progressivement par les associations, le législateur et les pouvoirs publics français, avec une impulsion constante de l’Union européenne. C’est une valeur démocratique importante, complémentaire de la démocratie représentative. Elle suscite aujourd’hui un certain consensus car elle semble être un outil indispensable, notamment dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Il faut néanmoins reconnaître qu’en France cette démarche reste balbutiante et que les initiatives sont, pour la plupart, éparses et éphémères.

La participation des personnes en situation de pauvreté implique des enjeux délicats et des conditions de mise en œuvre déterminantes, tant du point de vue collectif qu’individuel. C’est une démarche de co-formation et de co-construction. Elle repose sur une alliance consentie entre citoyens, élus, professionnels… qui agissent ensemble au nom d’un intérêt commun : combattre la pauvreté et l’exclusion, améliorer les conditions de vie des plus pauvres et des « exclus », accroître leur capacité à exercer l’ensemble de leurs droits fondamentaux et de leurs responsabilités. Toutefois, les expériences auditées par le groupe de travail montrent qu’elle est la seule à pouvoir apporter un triple bénéfice :
-  efficacité des politiques publiques,
-  efficacité du travail au quotidien des travailleurs sociaux,
-  plus-value pour les personnes participantes elles-mêmes.

C’est pourquoi l’ambition de ce rapport est de redonner une impulsion réelle à la participation des personnes en situation de pauvreté ou d’exclusion à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques publiques.

Principales préconisations

I - Créer le plus en amont possible un cadre favorable à l’expression de la participation (pré-requis)

 Pour passer d’une parole individuelle à une parole collective, il faut dépasser la question de la « représentativité » : il s’agit de la représentation d’un collectif. Cela demande un rattachement important à un groupe d’appartenance.

 La formation n’est pas seulement à dispenser aux personnes en situation de pauvreté, de précarité ou d’exclusion. Elle doit l’être aussi aux professionnels et aux élus pour les sensibiliser et travailler sur leurs compétences. Il est recommandé que certaines de ces formations soient communes.

 La formation initiale et continue des travailleurs sociaux est essentielle pour les amener à promouvoir et à mettre en œuvre la participation des personnes accompagnées et à la vivre comme une partie intégrante de leur pratique professionnelle. Dans leurs formations, il faut s’appuyer sur l’expertise de la participation acquise par des personnes en situation de précarité.

II – S’assurer de la volonté de l’ensemble des acteurs de s’engager dans une démarche de participation

 La participation des personnes doit s’exercer tout au long des processus de mise en œuvre des politiques publiques : diagnostic initial, élaboration, mise en œuvre opérationnelle, évaluation des impacts.

 Il faut une impulsion forte et constante pour mener à son terme cette « révolution culturelle ». Il s’agit d’un véritable changement de culture : acceptation de la participation et reconnaissance de son utilité.

 Une des conditions de la participation consiste dans l’acceptation d’une confrontation des points de vue entre des expertises différentes, celles des personnes en difficulté, des associations, des collectifs, des syndicats et des acteurs institutionnels : à partir de ces allers-retours, se dégage la co-construction des politiques publiques.

 La participation doit être visible (faire savoir qu’elle existe) et lisible (faire comprendre son utilité sociale) pour qu’elle puisse fonctionner durablement.

 Les résultats de la participation des personnes en situation de précarité doivent être montrés et valorisés. Il faut viser un produit final concret, créé collectivement et suivi d’effets (obligation de résultat) puis évalué. Il faut pouvoir mesurer l’impact de la participation, en montrer les réussites et les résultats concrets, même s’ils sont modestes.

 Le changement doit apparaître comme la finalité de la participation : « Qu’est-ce que ça va changer ? » est la condition majeure de l’expression des personnes en situation de pauvreté et de précarité.

 Nous proposons la mise en place d’un lieu fort de débat sur la question de la participation des personnes en situation de pauvreté et de précarité - un lieu ouvert au grand public, qui peut prendre la forme d’une conférence de consensus. Il est essentiel que cette concertation s’appuie aussi sur le niveau régional.

III – Garantir une animation de qualité lors des temps de participation dans des conseils mixtes

 Une animation de qualité est nécessaire pour tous les dispositifs de participation. Ces dispositifs supposent d’être animés et pilotés par des professionnels et/ou des bénévoles ou des personnes en situation de précarité ou d’exclusion formées à l’animation. Les méthodes d’animation constituent un facteur très important de la qualité des démarches participatives : savoir accepter la confrontation, les désaccords, savoir distribuer la parole à tous, utiliser des supports créatifs ou ludiques, etc.

 Le processus participatif ne s’impose pas immédiatement : il nécessite des formations partagées, une progressivité et une adaptation par les participants eux-mêmes des modalités et des outils au contexte local.

 Nous demandons la création d’un collège des personnes en situation de pauvreté ou de précarité au sein du CNLE. Les modalités de désignation et d’accompagnement de ces personnes devront respecter les recommandations faites ci-dessus. Un groupe de travail ad hoc du CNLE devra les définir.

 Il faut par ailleurs organiser l’intégration de collectifs de personnes en situation de pauvreté et de précarité dans les instances d’élaboration, de mise en œuvre et d’évaluation des politiques publiques (CESE, CESER, voire auprès des conseils généraux, des communes, des CCAS…).

* Lire le rapport du groupe de travail du CNLE :
Rapport CNLE 2011 - Recommandations pour la participation (PDF - 810.5 ko)