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> Accueil > Dossiers thématiques > Santé et précarité > Les limites de l’accès aux soins > Le refus discriminant de certains professionnels de santé
[27 novembre 2009] Le refus de soins peut être illégitime, ce qui est notamment le cas lorsqu’il s’exprime à l’égard des plus démunis, au prétexte qu’ils seraient bénéficiaires d’une couverture médicale complémentaire du type Couverture maladie universelle (CMU) ou Aide médicale d’Etat (AME). On parle alors de refus « discriminant ».
Le refus de soins peut être illégitime, ce qui est notamment le cas lorsqu’il s’exprime à l’égard des plus démunis, au prétexte qu’ils seraient bénéficiaires d’une couverture médicale complémentaire du type Couverture maladie universelle (CMU) ou Aide médicale d’Etat (AME). On parle alors de refus « discriminant ».
Depuis la loi la loi 99-641 du 27 juillet 1999 créant la CMU, nombre de rapports ont mis en évidence l’existence de ce type de refus de soins.
Le 1er rapport d’« Evaluation de la Loi CMU » réalisé par deux membres de l’IGAS, Yves Carcenac et Evelyne Liouville, en application de l’article 34 de la loi 99-641 du 27 juillet 1999, traite les principales questions que soulève l’application de la loi portant création de la CMU dans six chapitres distincts : la montée en charge des deux dispositifs institués par la loi (CMU de base et CMU complémentaire), le plafond de ressources et les effets de seuil qui en découlent, les procédures d’accès aux droits, l’impact des dispositifs sur l’accès aux soins des plus démunis, le financement de la CMU et l’AME. En guise de conclusion les auteurs du rapport présentent une synthèse des principales observations et formulent des recommandations.
Lire le 1e rapport « Evaluation de la Loi CMU » réalisé par l’IGAS et publié en décembre 2001 :
Il convient de citer de la même façon le 2e rapport d’« Evaluation de la Loi CMU » réalisé par le Fonds CMU en décembre 2003.
Ce rapport rappelle que « la Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c) est une forme de protection sociale qui vise à faciliter l’accès aux soins des plus démunis : elle permet de lever les obstacles administratifs et économiques à l’accès aux soins en couvrant le ticket modérateur des soins de ville et hospitaliers, le forfait hospitalier et les dépassements tarifaires pour les principaux produits, ainsi que pour les prothèses dentaires et les lunettes. Ces dépenses sont en tiers payant et les professionnels de santé sont tenus de respecter les tarifs opposables. Le « panier de soins » est donc complet, et assure la prise en charge de tous les soins nécessaires. Les dépenses correspondant à des exigences particulières des patients sont à leur charge. La CMU-c permet de mettre ses bénéficiaires dans le droit commun de l’assurance maladie ».
Pour ce qui s’agit du refus à proprement parlé, le rapport fait deux constats. Le premier est qu’en fait le refus est « limité au secteur dentaire et à un certain nombre de spécialités qui travaillent en tarifs libres », en dentaire les patients sont « souvent orientés sur les centres de santé », ce qui est « parfois vécu comme une humiliation pour les usagers ». Le second constat est qu’« une autre difficulté en matière d’accès aux soins est la conséquence des problèmes techniques éprouvés par les professionnels pour se faire payer, notamment quand l’assuré n’a pas de carte Vitale à jour » surtout dans les pharmacies en télétransmission. Les usagers se trouvent ainsi privés d’une dispense d’avance de frais en l’absence de carte vitale alors que cette dispense ne peut être refusée si le bénéficiaire de la CMU n’a qu’une attestation papier.
« Le terme de refus de soins semble d’ailleurs impropre, car il s’agit souvent plutôt d’incitation à s’adresser à un autre professionnel que d’un refus caractérisé ».
Pour autant, les cas de refus seraient à relativiser car rapportés aux 4,7 millions de bénéficiaires de la CMU-c qui peuvent être effectivement soignés ils semblent marginaux, le rapport ajoutant « les cas de refus catégoriques ou stigmatisants existent, mais on peut légitimement considérer qu’ils constituent des situations extrêmement rares ».
Par ordre d’importance décroissante, mais sans pouvoir donner de chiffres précis, les différentes situations peuvent être les suivantes :
Le rapport souligne également que « la tarification de la CMU-c a provoqué et provoque, essentiellement chez les chirurgiens dentistes, une réaction de blocage comme le soulignent les réponses que nous ont adressées les deux principaux syndicats dentaires Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD) et Union des jeunes chirurgiens dentistes (UJCD). Ceux-ci observent que le dispositif CMU conduit à des soins « au rabais » et donc à une médecine à deux vitesses qu’ils jugent inacceptable. Ils notent que nombre de soins de nature prothétique ne sont pas prévus par le dispositif CMU et qu’ils ne peuvent donc les pratiquer alors qu’ils les considèrent comme des actes nécessaires ».
Après ces divers constats se pose la question des suites données, éventuellement judiciaires. Le rapport souligne que « sur plainte des patients, [les refus peuvent faire] l’objet d’enquêtes des Directions départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF) qui sont susceptibles de déboucher sur une condamnation pénale. Les refus de soins peuvent également donner lieu à une saisine des conseils départementaux des ordres ».
Mais « le bénéficiaire de la CMU-c confronté à un refus ne fait que rarement jouer les mécanismes qui le protègent. Ce n’est que de façon exceptionnelle que celui-ci accepte de consigner par écrit ses récriminations ».
Sous forme de conclusion le rapport souligne que « globalement les professionnels de santé s’accordent pour reconnaître que la loi CMU est un progrès indéniable et qu’elle permet l’accès aux soins de personnes peu favorisées ou défavorisées ».
Lire le 2e rapport « Evaluation de la Loi CMU » réalisé par le Fonds CMU et publié en décembre 2003, en application de l’article 34 de la loi 99-641 du 27 juillet 1999 :
On peut également lire le rapport de Jean-François Chadelat sur « Les refus de soins aux bénéficiaires de la CMU », publié en novembre 2006, qui rappelle entre autres choses le postulat que « les pauvres ne soient pas distingués des autres assurés sociaux » a pour conséquence directe que « le bénéficiaire de la CMU doit pouvoir avoir accès à toutes les formes de médecines, exactement comme les autres assurés sociaux. En aucun cas on ne doit le cantonner dans une « médecine de pauvre » : dispensaires, centres de santé, hôpitaux utilisés en premier recours ».
Il faut souligner le paradoxe qui existe aujourd’hui. Certains professionnels de santé sont conduits, de façon charitable, à soigner gratuitement les bénéficiaires de la CMU, notamment du fait des difficultés tenant aux procédures pour se faire payer, ou pour éviter de les refuser une énième fois. Or, la CMU avait pour objectif de permettre aux plus démunis d’accéder au système de santé, sans que cela ne relève d’une quelconque charité de la part des professionnels de santé.
Lire le rapport de Jean-François Chadelat, intitulé « Les refus de soins aux bénéficiaires de la CMU », publié le 30 novembre 2006 par l’IGAS :
Lire le 3e rapport « Evaluation de la Loi CMU » réalisé par le Fonds CMU et publié en janvier 2007, en application de l’article 34 de la loi 99-641 du 27 juillet 1999 :
Lire l’enquête de la DREES d’octobre 2007 intitulée « Les allocataires des minima sociaux : CMU, état de santé et refus de soins » :
Lire l’enquête de Bénédicte Boisguérin et Sylvain Pichetti, intitulée « Panorama de l’accès aux soins de ville des bénéficiaires de la CMU complémentaire en 2006, publiée en mars 2008 par la DREES » :
Lire le rapport annuel 2008 de la DREES, « L’état de santé de la population en France. Indicateurs associés à la loi relative à la politique de santé publique ».
On peut également citer l’étude de la DREES sur « Les bénéficiaires de l’Aide médicale d’Etat en contact avec le système de soins », publiée en juillet 2008. Cette étude a donc la particularité de s’intéresser au cas des bénéficiaires de l’AME.
« Plus d’un bénéficiaire de l’AME sur trois a expérimenté un refus de la part d’un professionnel de santé, le plus souvent un médecin ou un pharmacien. À titre de comparaison, les bénéficiaires de la CMU sont 15% à déclarer être dans ce cas. Ces refus de soins déclarés apparaissent cependant de nature différente puisqu’ils émanent essentiellement de médecins et pharmaciens, alors que les refus signalés par les bénéficiaires de la CMU proviennent majoritairement de dentistes et médecins spécialistes ».
Lire l’étude de Bénédicte Boisguérin et Brigitte Haury, intitulée « Les bénéficiaires de l’AME en contact avec le système de soins », publiée en juillet 2008 par la DREES :
Sur la demande du Fonds CMU, l’IRDES a mené entre décembre 2008 et janvier 2009 une opération de « testing » auprès de 861 praticiens installés à Paris (médecins généralistes, dentistes, ophtalmologues, gynécologues et radiologues) afin de mesurer les discriminations dont sont victimes les bénéficiaires de la CMU-c. Les résultats obtenus ont servi de base de travail pour le 4e rapport d’évaluation de la loi CMU du Fonds CMU.
On y apprend que le total des refus renvoie à une réalité à laquelle sont confrontés les bénéficiaires de la CMU : des difficultés d’accès aux soins dans certaines spécialités médicales. Pour le sous ensemble des refus discriminatoires, ils s’élèvent à 9,2 % chez les omnipraticiens de secteur 1, en cela bien supérieurs aux taux relevés dans d’autres départements (Val-de-Marne en 2005) semblant refléter ainsi une réalité parisienne. Le rapport souligne également que les refus parmi les dentistes s’élèvent à 36,1 %, soit plus du tiers des dentistes parisiens...
Lire le rapport de Caroline Desprès, Stéphanie Guillaume et Pierre-Emmanuel Couralet datant de juin 2009, intitulé « Le refus de soins à l’égard des bénéficiaires de la CMU complémentaire à Paris », publié par l’IRDES :
Le dernier rapport « Evaluation de la Loi CMU » du Fonds CMU a été rendu public en juillet 2009.
Ce rapport rappelle que pour comprendre la problématique du refus de soins, « il faut se reporter au fondement même de la loi du 27 juillet 1999 qui a créé la CMU. La logique en est simple : il s’agit de permettre à la fraction la plus pauvre de la population, 4,3 millions de personnes, d’accéder à l’ensemble du système de soins, exactement comme pour tous les autres assurés sociaux, et de ne pas les cantonner dans une « médecine de pauvre ». Les bénéficiaires de la CMU doivent donc pouvoir bénéficier de la médecine libérale comme tout un chacun ».
Le rapport met en avant que « parmi les griefs opposés aux bénéficiaires de la CMU-c figurait celui du non-respect du parcours de soins. Les bénéficiaires de la CMU-C étaient moins nombreux que les autres assurés à avoir déclaré leur médecin traitant, et même lorsqu’ils en avaient fait la démarche, ils étaient plus nombreux à consulter un médecin spécialiste sans passer au préalable par leur médecin traitant. En argumentation aux refus de soins opposés aux bénéficiaires de la CMU-c, les médecins évoquaient un irrespect des règles : absence de prise de rendez-vous, absence de médecin traitant, carte vitale non mise à jour qui rendait ces patients « ingérables ».
A noter que le rapport soulève les idées reçues en bonne partie entachées d’inexactitudes dont celle que « les bénéficiaires de la CMU ne respectent pas le parcours de soins », en soulignant qu’« ils sont pourtant plus nombreux à avoir choisi un médecin traitant (86,5 % au 31 mars 2009) que les autres assurés sociaux (84,6 %) ».
Le rapport ajoute, en rappelant que depuis 2006 les tarifs de prothèses applicables aux bénéficiaires de la CMU complémentaire ont été revalorisés de 30 % - tendant à permettre un meilleur accueil des bénéficiaires de la CMU-C par les dentistes - « cette revalorisation ne semble pas avoir fait reculer les refus des soins opposés aux bénéficiaires de la CMU-c, qui restent toujours importants chez les dentistes ».
Pour ce qui s’agit des réclamations, « le motif initial de la demande est pour moitié des refus de dispense d’avance des frais pour 35 % des refus de soins ou de poursuite des soins, mais aussi des refus de devis, des travaux effectués sans devis préalable ou des refus de vente d’un appareil et pour 9 % des saisines pour non respect des tarifs opposables (dépassements d’honoraires, actes hors nomenclature). Les professionnels mis en cause sont pour plus de la moitié des médecins (essentiellement des spécialistes) mais aussi des dentistes (29 %) et d’autres professionnels de santé pour 13 %.
Lire le 4e rapport « Evaluation de la Loi CMU » réalisé par le Fonds CMU et publié en juillet 2009, en application de l’article 34 de la loi 99-641 du 27 juillet 1999 :