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La sécurité sociale : de la protection sociale du travailleur salarié à la réduction des inégalités de santé

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[25 novembre 2009] La Sécurité sociale est l’institution de la « Protection sociale » chargée de sécuriser les travailleurs salariés exposés à des risques sociaux. Mais à l’époque de sa création, la notion de risque social n’envisageait pas l’« exclusion sociale ». La protection des exclus de la Protection sociale s’est alors appuyée sur les programmes de vaccination et la Protection maternelle infantile (PMI). Ainsi était assuré l’accès aux soins les plus élémentaires pour l’ensemble de la population.

Naissance de la Protection sociale

A la sortie de la guerre, la France se dote d’un arsenal législatif cohérent, renforçant les acquis sociaux des décennies passées :

  • L’ordonnance 45-10 du 4 octobre 1945 (J.O du 6 octobre) institue la Sécurité sociale,
  • L’ordonnance 45-2407 du 18 octobre 1945 institue le Service national d’hygiène scolaire et universitaire,
  • L’ordonnance 45-2454 du 19 octobre 1945 relative au régime des Assurances sociales applicable aux assurés des professions non agricoles instaure l’affiliation obligatoire aux assurances sociales,
  • L’ordonnance 45-2720 du 2 novembre 1945 instaure la Protection maternelle infantile (PMI),
  • La loi 46-1146 du 22 mai 1946 généralise la sécurité sociale à l’ensemble de la population et le décret 46-1378 du 8 juin 1946 porte règlement d’administration publique pour l’application de l’ordonnance du 6 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale.

Ce sont enfin l’ordonnance 67-706 du 21 août 1967 relative à l’organisation administrative et financière de la Sécurité sociale et l’ordonnance 67-828 du 23 septembre 1967 relative à l’assurance maladie qui ont étendu et réorganisé la Sécurité sociale.

La Sécurité sociale française est donc un ensemble de dispositions légales qui garantissent les seuls assurés sociaux, et leurs ayants droit, contre certains risques sociaux (maladie, maladie professionnelle, invalidité, accident du travail, décès...).

Pour ce qui s’agit de la Sécurité sociale, elle est inspirée du système allemand de 1870 connu sous le nom de « système de Bismarck ». A cette époque le chancelier Otto von Bismarck met en place une protection sociale au profit des travailleurs, reposant sur un principe de solidarité entre catégories professionnelles. Cette protection est financée par des cotisations prélevées sur salaire et gérée par des caisses de sécurité sociale elles-mêmes gérées par les partenaires sociaux. De fait, une partie de la population allemande est exclue, pour cette dernière est mis en place un « filet de sécurité » reposant sur un principe d’universalité.

Le législateur français de 1946 s’est aussi inspiré du modèle britannique, connu comme le « modèle de Beveridge ». En 1942, Lord William Beveridge fait un rapport qui doit servir de base de réflexion à un programme dit de « Welfare state ». En effet, l’Etat providence est considéré comme pilier de tout progrès social (l’Etat doit intervenir), la santé et l’assurance maladie doivent profiter au « citoyen ».
En théorie, il n’y avait pas dans ce système d’exclusion, puisqu’il reposait sur un principe de solidarité (riches/pauvres, malades/biens portants), d’unité (un seul régime), d’uniformité et d’universalité (les mêmes prestations pour tous les citoyens), et parce que le financement reposait sur l’impôt (le budget de l’assurance maladie était voté par le Parlement britannique). Ce n’est qu’à cause des fluctuations dans les divers budgets votés que se sont développés des soins privés pour pallier l’offre publique alors insuffisante.

On le voit bien, le système français de Sécurité sociale, inspiré par Pierre Laroque, est entre les deux modèles cités. Rappelons que ce haut fonctionnaire avait rejoint la résistance à Londres et connaissait bien le modèle beveridgien. Le modèle français repose alors sur le principe de la Solidarité nationale.

Dans le système français de Sécurité sociale on distingue quatre « régimes » de cotisation : le « régime général » des salariés et assimilés, le « régime agricole » des exploitants agricoles, le « régime des indépendants » (pour les travailleurs non salariés non exploitants agricoles) et les « régimes spéciaux » des fonctionnaires, des militaires,...
On y distingue également quatre « branches » gérées par des organismes privés : la « branche maladie », « la branche vieillesse », « la branche famille » et « la branche recouvrement ». Une cinquième branche existerait pour certains auteurs : « la branche dépendance ».
Pour ce qui s’agit de la branche maladie de la Sécurité sociale, il existe un système de « protection de base », donc financé par des cotisations fonction de la catégorie socioprofessionnelle d’appartenance (salariés, indépendants, régimes spéciaux,...), auquel peuvent venir s’ajouter des assurances complémentaires, voire « sur complémentaires », mais également fonction des revenus. Aujourd’hui, la population est à 93 % couverte par un régime complémentaire.

Il convient de rappeler que la « Sécurité sociale » et la protection sociale de la première partie du XXe siècle se distinguaient à l’époque de l’« Aide sociale » développée au cours de la deuxième partie du XXe siècle. En effet, le législateur d’après guerre souhaitait protéger le travailleur salarié qui par son travail contribuait à la création de la richesse nationale, bien utile en période de reconstruction.

De la protection sociale du travailleur salarié à la réduction des inégalités de santé par les dispositifs de prévention

Il faut noter que si la Protection sociale n’avait pas pour objectif originel de lutter contre les « Exclusions sociales », de fait, elle y contribue aujourd’hui - par l’intermédiaire de l’Assurance maladie - en finançant divers dispositifs qui tendent à réduire les inégalités dans l’accès aux soins.

A titre d’exemple on peut citer les campagnes de vaccinations. Il s’agit là d’un véritable dispositif préventif apparu après guerre pour protéger la population des grands fléaux tels tuberculose et syphilis.
Pendant de très nombreuses années, la tuberculose a été un fléau meurtrier dans la plupart des pays du monde et était jusqu’aux années 1950 la première cause de mortalité par infection (et plus encore de mortalité infantile) en Europe et aux Etats-Unis. Dès les années 1920 Albert Calmette et Camille Guérin avait mis au point le BCG (pour bacille de Calmette et Guérin) à l’Institut Pasteur de Lille, la vaccination des enfants et adolescents a été rendue obligatoire dès les années 1950, et suspendue au cours de l’été 2007 (l’arrêt de la commercialisation du vaccin BCG ne date que de décembre 2005).
S’agissant de la syphilis, maladie vénérienne, elle causait jusqu’au début du XXe siècle près de 150 000 morts. Il faut attendre 1943 pour disposer de la pénicilline (découverte à la fin des années 1920) et attendre 1955 pour la première génération de traitements antibiotiques.

On peut également citer en exemple le dispositif de la Protection maternelle infantile (PMI) instaurée par l’ordonnance 45-2720 du 2 novembre 1945. Cette protection consistait à organiser des consultations prénuptiales, prénatales et postnatales, des actions de prévention en faveur des femmes enceintes, des actions de prévention dans les écoles maternelles (vaccinations), des actions de formation des assistantes maternelles, des actions de prévention des mauvais traitements,...
La loi 89-899 du 18 décembre 1989 relative à la protection et à la promotion de la santé de la famille et de l’enfance et adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d’aide sociale et de santé prévoyait, dans son article 2, que soit énoncé dans le Code de santé publique, dans un article L. 152, que « lorsqu’un médecin du service départemental de Protection maternelle infantile estime que les circonstances font obstacle à ce que l’enfant reçoive les soins nécessaires, il lui appartient de prendre toute mesure relevant de sa compétence propre à faire face à la situation ». Le texte n’avait pas manqué de préciser que les frais occasionnés par les contrôles sont supportés par l’Etat (Art. L. 185), donc le département, et que les frais occasionnés par les examens de PMI concernant les assurés et leurs ayants droit sont remboursés au département par les organismes d’assurance maladie dont relèvent les intéressés (Art. L. 186).
Aujourd’hui, le service de Protection maternelle infantile est un service du département, dirigé par un médecin et comprenant des personnels qualifiés (domaines médical, paramédical, social et psychologique). Plus généralement, ce service est donc chargé d’assurer la protection sanitaire de la famille et de l’enfant.