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> Accueil > Dossiers thématiques > Santé et précarité > Historique de la prise en charge des troubles mentaux > La Révolution française et les origines de la médecine « aliéniste »
[18 novembre 2009] Le « fou » devient un « malade »...
Les travaux de Philippe Pinel (1791) et de Jean-Etienne Dominique Esquirol (1805) sont particulièrement marquants. La médecine aliéniste se constitue comme une « médecine spéciale » qui fait de la maladie mentale son domaine propre tant au plan institutionnel que scientifique.
Philippe Pinel - Psychiatre français, né à Jonquières en 1745, mort à Paris en 1826. Il est nommé médecin à Toulouse à vingt-huit ans. En 1778, il part pour Paris pour y faire carrière mais doit se contenter d’expédients et donne des leçons de mathématiques pour vivre. Très discret et modeste, il a du mal à trouver un poste. Enfin, il est engagé dans la fameuse clinique du docteur Belhomme qu’il quittera avant que le scandale de cette clinique n’éclate : en effet, Belhomme y accueillait des antirévolutionnaires pourchassés par la police. En 1793, il est nommé à Bicêtre, dont il est le premier médecin titulaire. Il n’y reste qu’environ un an et demi, mais, avec l’infirmier Jean-Baptiste Pussin, il a le temps de « libérer » les aliénés hommes. Cette affaire, pour laquelle il a du demander l’autorisation à la Commune de Paris, a forgé sa réputation. L’abolition des chaines est désormais un des mythes fondateurs de la psychiatrie française. Dans le contexte libéral modéré suivant thermidor an II, il est nommé à la Salpêtrière en 1795, où Jean-Baptiste Pussin le rejoint. Il continue d’améliorer les conditions de vie des malades et de séparer les malades mentaux des autres. Il développe ce qu’il appelle le traitement moral, aussi important à ses yeux que les prescriptions médicamenteuses : « C’est une très petite partie de la médecine que la prescription des médicaments ». On peut considérer qu’il fait de la folie (l’aliénation) une maladie ou un ensemble de maladies parmi les autres, et de l’aliéné un malade, c’est-a-dire une personne provisoirement atteinte par une maladie. Selon l’heureuse expression de Jacques Postel, s’il a été mythifié, il a démystifié la maladie mentale. [1]
Jean-Baptiste Pussin - Soignant français, né en 1745 à Lons-le-Saulnier, mort à Paris en 1811. Il entre comme malade à l’hospice de Bicêtre. Guéri, il y reste comme employé et, en 1793, il accueille Philippe Pinel, alors qu’il est responsable de réorganisation de la vie et des soins. Philippe Pinel, au courant du mouvement européen en faveur des aliénés, soutient Jean-Baptiste Pussin dans ses efforts d’ouverture. Dès qu’il est à la Salpêtrière, il cherche à l’y faire venir et se réfère souvent à lui dans ses écrits pour réaliser avec les malades femmes ce qu’ils avaient réussi ensemble avec les hommes à Bicêtre. En 1801, Jean-Baptiste Pussin est chargé d’un rapport visant à reformer l’ensemble de l’assistance aux aliénés. Mort en 1811, il est remplacé dans ses fonctions à la Salpêtrière par un médecin : Etienne Esquirol. [2]
Jean-Etienne D. Esquirol - Psychiatre français né à Toulouse en 1772, mort à Paris en 1840. Il est considéré comme l’un des pères de la psychiatrie française. Elevé de Philippe Pinel, il a inspiré les lois fondatrices de 1838. Devenu médecin-chef de la Maison royale de Charenton, il enseigne et forme la majorité des aliénistes de son temps. Parallèlement au travail administratif et juridique, il écrit un traité des maladies mentales. Il différencie l’insuffisance du développement mental de l’affaiblissement psychique (démence). Il isole les monomanies intellectuelles, affectives, instinctives. [3]
On parle à l’époque de « traitement moral ». Il ne faut pas pour autant oublier les idéaux révolutionnaires : individualisme et liberté. Ceux-ci n’ont pas été sans conséquence, à commencer par la libération de tous ceux enfermés suite à une lettre de cachet en application d’une circulaire de l’intérieur datant de 1804 et énonçant que les aliénés ne peuvent être détenus que sur décision de justice ou sur demande de leur famille.
Dès 1810, le « criminel » et l’« aliéné » ne sont plus confondus, le Code pénal énonçant dans son article 64 qu’il n’y a pas infraction s’il y a démence au moment des faits.
Pour conclure sur cette époque, certes le fou voit ses chaînes brisées, il est d’une certaine façon libéré de l’asile, on prend conscience de son trouble, pour autant il n’est pas encore soigné, simplement laissé à son sort.
[1] Dictionnaire critique des termes de psychiatrie et de santé mentale, S-D. KIPMAN (sous la direction de), Doin, 2005.
[2] ibid
[3] ibid