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L’humanitaire médico-social en France

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[3 octobre 2009] L’« humanitaire médico-social » apparaît au moment où les associations du secteur s’aperçoivent que la grande pauvreté n’existe pas seulement à l’étranger mais existe aussi dans leur pays de rattachement avec l’apparition de « nouveaux pauvres ». Comme dans l’humanitaire international, l’aboutissement de la logique d’assistance médico-sociale sera d’aller au-devant des plus pauvres.

Sans parler d’« humanitaire médical », l’aide médicale n’était pas absente en France. Le 26 mai 1956 on avait créé à Paris le premier service mobile d’urgence. En effet, le Professeur Maurice Cara de l’hôpital Necker avait compris qu’en région parisienne le problème était de permettre au blessé d’être transporté vers un grand centre de réanimation au cœur de la capitale, et ceci au moyen des fameuses « ambulances Cara ». On parlera ensuite de Service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR), officialisé en 1965 et généralisé à tous les départements français en 1970. Les années 1970 sont aussi celles durant lesquelles on va créer le Service de l’aide médicale urgente (SAMU) pour coordonner et réguler l’action des Smur.

Pour ce qui s’agit de l’« humanitaire », dans les années 1950 apparaissent deux initiatives particulièrement marquantes, le Mouvement Emmaüs fondé en 1949 par l’Abbé Pierre et le Mouvement Aide à Toute Détresse Quart Monde (ATD Quart Monde) fondé en 1957 par le Père Joseph Wresinski, dont l’objectif est de lutter contre l’« extrême pauvreté » particulièrement visible dans les banlieues parisiennes.

Dans les années 1980, suite à la récession économique on parle de l’apparition de « nouveaux pauvres ». Les « anciens pauvres » qui n’avaient pas bénéficié du boom économique d’après guerre, les « nouveaux pauvres » et tous les « marginaux » représentaient une part importante de la population qui ne pouvait accéder à la protection sociale et au système médical. Dès lors, les associations humanitaires qui s’étaient tournées vers le « Tiers monde » se sont aperçues de l’existence d’un « quart-monde » en France. Après l’international, ces associations se tourneront vers leur propre pays. Ainsi sont créées l’association Relais médical aux délaissés (REMEDE), la Mission France de Médecins du Monde, puis la Mission Solidarité France de Médecins sans frontuères et enfin la Croix-rouge française.

A son origine, l’humanitaire français correspond à une action provisoire dans l’attente de l’action des pouvoirs publics. Par la suite, l’action d’urgence se développe par une offre de soins gratuits à destination des exclus du système sanitaire. Enfin, l’action a pu être de donner des médicaments ou d’aider à l’obtention d’une couverture maladie. Plus généralement, il s’agit d’alerter les pouvoirs publics conformément aux objectifs des mouvements des années 1950 ou aux nouveaux idéaux des associations humanitaires des années 1980.

Dans les années 1980 et 1990, les associations ont donc décidé d’aller vers les plus démunis pour les inciter à consulter ou même pour les soigner sur place après s’être aperçues de deux évolutions qui touchaient les plus exclus. D’une part, les plus pauvres ne se déplaçaient pas dans les structures publiques dans lesquelles ils pouvaient être « indésirables », ni même dans les centres de soins mis en place par les associations. D’autre part, ces pauvres étaient de plus en plus hétérogènes (sans domicile fixe, toxicomanes, jeunes errants,…).

Mission France de Médecins du Monde, ses Centre d’accueil, de soins et d’orientation (CASO) et ses actions mobiles de proximité

Médecins du Monde a mis en place, dès avril 1986, des Centre d’accueil, de soins et d’orientation. Le premier a été ouvert dans le Ve arrondissement de Paris, rue de la Clef. Aujourd’hui, il y a 21 Caso (20 en France métropolitaine, 1 en Guyane). Les Caso ont en 2006 réalisé 38 490 consultations médicales, auprès de 19 202 patients.
Ils offrent sans rendez-vous des consultations médico-psycho-sociales visant à rétablir l’accès aux soins de santé. En effet, ces centres ont pour objectif de restaurer l’accès aux soins dans le système de santé « normal » pour toute personne présente sur le territoire, en permettant une prise en charge correcte en attendant l’ouverture des droits aux soins de santé.
Ces centres reçoivent toute personne ayant une difficulté d’accès aux soins. Pour cela, une équipe pluridisciplinaire (assistante sociale, médecin, psychologue) prend le patient en charge jusqu’à ce qu’une référence vers un autre service soit possible.

La Mission France de Médecins du Monde s’appuie également sur 77 actions mobiles de proximité, destinées à aller à la rencontre des personnes qui ne peuvent, sans aide préalable, avoir un accès aux soins. Ces actions ont privilégié un certain nombre de populations en butte à des difficultés particulières : enfants victimes de saturnisme, Rroms, gens du voyage, personnes sans abri, personnes se prostituant, demandeurs d’asile, migrants, etc. L’objectif est de se rendre sur leurs lieux de vie afin de restaurer l’accès à la prévention et aux soins mais également de garantir un accès aux droits fondamentaux, trop souvent bafoués.
Ces actions peuvent prendre la forme de tournées de rue ou de squats, de parrainage d’enfants isolés dans les hôpitaux, de veille sanitaire, de promotion de la santé, des séances de prévention collectives (dépistages), de permanences médicales, d’ateliers auprès des enfants, de consultations en partenariat avec/dans d’autres associations, foyers et centres d’hébergement, d’informations et de prévention dans les écoles, les collèges et auprès de professionnels, d’accompagnement social auprès des femmes enceintes...

Le Samusocial de Paris et les maraudes de ses Equipes mobiles d’aide (EMA)

Le premier Samusocial date du 22 novembre 1993, à l’initiative du Docteur Xavier Emmanuelli, avec l’aide du Maire de Paris Jacques Chirac.

Xavier Emmanuelli a pu résumer l’action du Samusocial ainsi :
« Aller à la rencontre de ceux qui restent en dehors du système d’hébergement et de soins, pour au moins établir un contact humain ; mettre à l’abri les personnes qui ne sont plus en mesure de se rendre vers les dispositifs de droit commun ; les considérer comme des « victimes » économiques, sociales, psychiques, au même titre que les victimes d’accidents que le Samu médical va secourir… ; telles sont les missions des Samu sociaux ». [1]

Comme le SAMU Médical qui permettait à l’hôpital de sortir de ses murs pour aller au-devant de la victime, le Samusocial s’appuie sur les trois principes que sont la permanence (il existe une cellule de veille et d’écoute 24h sur 24), la mobilité et l’orientation (mise à l’abri ou orientation vers les lieux adaptés).
Un peu plus précisément, à la lecture de la Charte du Samusocial de Paris, on apprend que cet organisme se donne pour mission de « proposer une nouvelle approche [des personnes sans-abri et en détresse] qui consiste à aller à leur rencontre pour, dans le respect de leur liberté et de leur dignité, leur proposer un accompagnement humain, médical et/ou social » et « d’être à l’écoute des travaux sur l’exclusion, l’insertion, la santé et les difficultés des populations les plus démunies » en respectant des principes de dignité, de solidarité et de citoyenneté. Pour réaliser sa mission, le Samusocial de Paris s’appuie sur des Equipes mobiles d’aide et leurs maraudes.

Les Equipes mobiles d’aide du Samusocial sont composées d’un chauffeur, d’un travailleur social et d’un Infirmier diplômé d’Etat (IDE). Elles sillonnent en maraude les rues de Paris, la nuit, afin d’aller à la rencontre des personnes sans domicile fixe. Elles partent également à la rencontre de personnes signalées par des particuliers, des hôpitaux, des commissariats de police… Elles vont proposer aux personnes qu’elles rencontrent un hébergement qui peut être accepté ou refusé et, dans ce cas, la personne est revue régulièrement, « apprivoisée »… En cas de problème médical, l’infirmier peut orienter la personne vers un Centre d’hébergement d’urgence avec soins infirmiers (CHUSI) directement, ou après un examen médical dans un service d’urgence hospitalier. L’infirmier peut à tout moment être conseillé par un médecin du Samusocial qui assure une astreinte de 24 h.

La maraude consiste pour l’équipe du Samusocial de Paris à sillonner lentement la zone attribuée dans Paris afin de rencontrer les personnes les plus exclues. Ce travail demande une grande connaissance de la rue, non seulement de sa géographie (territoires de vie, territoires de manche) mais aussi et surtout des comportements qu’elle induit afin de pouvoir entrer en contact puis créer une relation avec la personne en difficulté.

Le Samusocial a également mis en place l’Espace solidarité insertion et halte de jour. C’est un lieu d’accueil de jour, de soins et d’écoute pour les personnes SDF qui se présentent d’elles-mêmes ou sont accompagnées par d’autres partenaires (Mission solidarité de la RATP). Ce lieu est ouvert l’après-midi en semaine. Des consultations médicales et des soins infirmiers y sont dispensés. On y dispense aussi des consultations juridiques, il y a une permanence de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), un atelier emploi, un espace hygiène (pour se laver et laver ses vêtements).

Il convient de noter que la maraude et les équipe mobiles se sont multipliées, d’autres organismes caritatifs y ont recours, notamment la Croix-Rouge française et Médecins du Monde avec ses actions mobiles de proximité.

Les services médico-sanitaires de la Mission France de Médecins du Monde, de la Mission Solidarité France de Médecins sans frontières et du Samusocial ont mis en relief l’importance de la Santé dans le processus d’insertion sociale, tout en intégrant progressivement un volet social pour donner aux personnes auxquelles ils s’adressaient la possibilité de pouvoir intégrer durablement le système médical.

Il faut cependant constater tristement que ces initiatives à l’origine ponctuelles, pour alerter les pouvoirs publics, finissent toutes par s’installer dans le temps, à se développer à travers toute la France... Un exemple emblématique est « Les compagnons d’Emmaüs » créé en 1954...

Notes

[1Extrait, Le journal de la Fédération Nationale des Samusociaux, #1, Janvier 2003