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> Accueil > Dossiers thématiques > Santé et précarité > Acteurs et dispositifs de prise en charge des publics vulnérables > Valeurs et moyens d’action des acteurs de l’action médico-sanitaire > L’humanitaire médical international
[9 octobre 2009] A son origine, l’assistance humanitaire était strictement médicale, intervenant en temps de guerre avec la neutralité et l’indépendance qui s’imposaient pour pouvoir agir. Ces valeurs ont pu apparaître aux yeux de certains humanitaires comme des obstacles à l’action et expliquer que l’assistance humanitaire s’en est peu à peu détachée.
Sans revenir sur les actions individuelles de médecins tels Eugène Jamot ou Ambroise Paré, le premier mouvement humanitaire médical d’ampleur date d’une convention internationale signée le 22 août 1864 par les douze plus grandes puissances occidentales de l’époque, à l’initiative du philanthrope genevois Henry Dunant, il s’agissait de la Croix-rouge ainsi que du Comité international de la Croix-rouge (CICR).
A son origine, une publication d’Henry Dunant, Un souvenir de Solferino, qui relatait le sort réservé aux blessés de la bataille de Solferino. Autour de lui quatre autres personnalités suisses se sont ensuite réunies (le Général Guillaume-Henri Dufour, le juriste Gustave Moynier, les médecins Louis Appia et Théodore Maunoir) pour proposer aux Etats européens l’adoption de résolutions visant à prodiguer les soins aux blessés en temps de guerre. Sur cette base une Conférence internationale s’est tenue le 8 août 1864 à Genève pour élaborer une convention visant « l’amélioration du sort des militaires blessés et des malades dans les forces armées en campagne », prévoyant l’« obligation de soigner les blessés sans distinction de nationalité », la « neutralité du personnel et des établissements sanitaires » et adoptant le signe distinctif de la croix rouge sur fond blanc. Plus spécifiquement, la Croix-rouge s’appuyait, encore aujourd’hui, sur sept valeurs : bénévolat, humanité, impartialité, indépendance, neutralité, unité et universalité.
Certaines des valeurs de la Croix-rouge, notamment la neutralité, imposaient aux membres de l’organisation de garder le silence et de ne pas communiquer sur leur mission.
Par évolution, en temps de paix, les Croix-rouge nationales ont eu davantage pour mission d’améliorer le bien être social et la santé des populations. Dans la même évolution d’autres organisations ont vu le jour, dès les années 1930, puis dans les années 1950, pour intervenir même en absence d’urgence, par anticipation des conflits et des risques humanitaires. C’est le cas d’organisations non gouvernementales telles le Comité inter mouvements auprès des évacués (CIMADE) pour intervenir en faveur des populations notamment d’Afrique, d’Asie (…), c’est également le cas sous l’égide de l’Organisation des nations unies et de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord avec la Société des Nations pour prévenir les conflits.
On remarque que l’aide médicale s’est peu à peu transformée en aide au développement, reléguant du même coup au second plan les valeurs qui étaient celles de la Croix-rouge, à commencer par l’indépendance et la neutralité, pour faire place à des considérations d’ordre politique ou diplomatique.
A la fin des années 1960, le Biafra, région sécessionniste du Nigeria, subit un blocus qui causera une famine immense. La Croix-rouge ne peut intervenir sans enfreindre le principe de respect de la souveraineté des Etats, le Comité international de la Croix-rouge ne réussit à envoyer du secours qu’après de longues négociations et les dirigeants du Biafra limitent les secours afin de pouvoir s’appuyer sur la famine et l’émotion qu’elle suscite. C’est alors que treize personnes, parmi lesquelles des médecins français de la Croix-rouge, les « French doctors » dont le ministre Bernard Kouchner et le docteur Xavier Emmanuelli, décident de témoigner des massacres perpétrés et de la « famine organisée » au Biafra. Pour cela, ils fondent le Comité de lutte contre le génocide au Biafra, puis, ce qui deviendra le 22 décembre 1971 Médecins sans frontières (Msf), le Groupe d’Intervention médico-chirurgical d’urgence (GIMCU). Ils étaient convaincus que chaque être humain a droit à une aide humanitaire.
Il s’agit là d’une nouvelle évolution : franchir les frontières dans le but d’apporter directement l’aide aux victimes, indépendamment des gouvernements réticents. C’est une intervention médicale pour la défense des droits de l’homme.
Dans les années 1980 se produit la scission de Médecins sans frontières. Certains de ses membres, en désaccord avec les autres sur la médiatisation de l’action humanitaire et sa professionnalisation, fondent l’Aide médicale internationale et Médecins du Monde (MdM). La Charte de Médecins du Monde affirmait dès son origine un devoir de témoignage, ce qui inspira à Msf de retirer de sa propre charte le devoir de s’abstenir de porter un jugement ou d’avoir une opinion publics à l’égard des événements et des dirigeants qui ont accepté l’intervention de l’organisation non-gouvernentale.
Ces dernières évolutions dans l’implication des organisations humanitaires par le nouveau devoir de témoigner, et plus récemment le « droit d’ingérence humanitaire », montrent que l’action humanitaire s’est largement écartée de sa « neutralité » initiale qui symbolisait l’action de la Croix-rouge.