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> Accueil > Nos publications > Les avis du CNLE > Avis 2010 > 9 juin 2010 : Le CNLE rappelle son opposition aux mesures de suspension ou de suppression des prestations familiales pour lutter contre l’absentéisme scolaire
[9 juin 2010] Dans le contexte de l’examen prochain par le Parlement de la proposition de loi du député Eric Ciotti, le CNLE rappelle qu’il avait publié un avis en décembre 2005, rejetant le recours à ces mesures pour sanctionner l’absentéisme des enfants.
Il maintient et actualise sa position, développée dans le communiqué de presse ci-dessous.
En décembre 2005, dans le cadre d’un avis rendu sur le projet de loi pour l’égalité des chances, le CNLE s’est interrogé sur la cohérence des mesures successives adoptées pour lutter contre l’absentéisme scolaire et a fait part de son opposition à toute mesure de sanction visant à suspendre ou à supprimer les prestations familiales :
« Contrat de responsabilité parentale : Le CNLE soutient l’exigence d’un équilibre droits et devoirs et d’une responsabilisation des parents. Il relève toutefois que le dispositif actuel (loi Jacob) est déjà basé sur ce principe et s’interroge sur les raisons qui président à son abandon. Il tient à attirer l’attention sur les nombreuses et importantes difficultés que les modalités de mise en œuvre du dispositif ne manqueront pas de poser s’il était adopté en l’état. En tout état de cause, le Conseil rejette la mesure visant à suspendre ou à supprimer les prestations familiales qui affecterait les familles les plus en difficulté et produirait une stigmatisation des parents concernés ».
A quelques jours de l’examen à l’Assemblée nationale de la proposition de loi déposée par le député Eric Ciotti, le CNLE réitère sa déclaration et souhaite apporter sa contribution au débat.
La préoccupation du CNLE est d’éviter la rupture du lien entre les parents d’élèves et l’école. Les mesures financières visant à sanctionner les parents concernés par l’absentéisme scolaire sont forcément stigmatisantes et ne peuvent que provoquer ou renforcer l’isolement et la fragilité de ces familles. Les tensions suscitées risquent de s’exprimer dans de nouvelles formes de transgression ou de rupture. Plutôt que d’adresser des messages négatifs aux familles les plus en difficulté, il nous faut rechercher les moyens de contribuer à l’étayage de l’estime de soi des parents, au travers d’une stratégie de dialogue et de coresponsabilité : la clarté des rôles et des règles et la cohérence des messages des adultes sont à la base de la réussite de tout processus éducatif.
Signalons que, dès 1966, un décret permettait aux inspecteurs d’académie alertés pour absentéisme aggravé de demander à la CAF la suspension des prestations familiales.
Cependant, en janvier 2003, le rapport de Luc Machard affirme que le non-respect de l’obligation scolaire constitue un phénomène complexe. Il constate que les manquements à cette obligation, « imparfaitement appréhendés », font trop souvent l’objet d’une « prise en compte insuffisante et inappropriée de la part de très nombreux intervenants », et que le droit en vigueur en matière d’obligation scolaire se caractérise par une complexité et parfois une incohérence telles « que son application peut se révéler impossible, inefficace ou inéquitable ».
Les 29 propositions de ce rapport ont été reprises au sein d’un groupe de travail interministériel en faveur de l’assiduité des élèves, dont les travaux ont nourri la loi du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance. Cette loi a non seulement abrogé le dispositif de suspension ou suppression des prestations familiales en cas d’absentéisme, mais surtout proposé l’organisation d’un processus de suivi (réactivité des établissements, dialogue avec les familles et soutien aux parents qui se sentent démunis, mobilisation des partenaires…). Le décret d’application du 19 février 2004 donne à l’inspecteur d’académie la possibilité de proposer un module de soutien à la responsabilité parentale et demande qu’une commission de suivi de l’assiduité scolaire, regroupant tous les partenaires concernés au niveau local, soit instituée dans chaque département.
Cependant, à peine annoncés, les modules de soutien et les commissions départementales ont été supprimés avec la mise en place du Contrat de responsabilité parentale (CRP), institué par la loi du 31 mars 2006 relative à l’égalité des chances.
Destiné à lutter contre l’absentéisme scolaire, le CRP devait permettre au président du conseil général de prendre des mesures d’accompagnement des parents et, en cas de manquement de leur part aux termes du contrat, de demander à la caisse d’allocations familiales la suspension du versement des prestations familiales. Mais, comme l’a reconnu récemment le ministre de l’Education nationale, Luc Chatel, « le contrat de responsabilité parentale ne fonctionne pas… ». De toute évidence, cette mesure se heurte aux réticences clairement exprimées par les conseils généraux qui considèrent qu’elle va à l’encontre de la confiance à établir dans la démarche d’accompagnement des familles. Depuis 2006, seuls quelques dizaines de CRP ont été mis en œuvre, et la CNAF ne signale aucune décision de suspension des allocations.
Avec la loi de prévention de la délinquance du 5 mars 2007, le maire a lui aussi compétence à prendre des mesures à caractère social ou éducatif, qui peuvent par exemple prendre la forme d’un contrat de responsabilité parentale. Parmi les dispositifs d’aide à la parentalité créés par cette loi, citons également le conseil pour les droits et devoirs des familles (CDDF), dans le cadre duquel le maire peut entendre les parents, leur rappeler leurs devoirs et obligations liés à l’éducation de leurs enfants et examiner avec eux les mesures à prendre afin de les aider dans l’exercice de l’autorité parentale.
Enfin, avec une instruction publiée le 4 juin 2009, le ministère de l’Education nationale a souhaité associer les collectivités territoriales au repérage des "décrocheurs de la formation initiale", à travers notamment les centres de formation accueillant des apprentis qui relèvent de leur autorité. Une fois ce repérage effectué, il est demandé aux préfets de région de mettre en place ou de consolider une coordination locale pour proposer sans délai des solutions aux jeunes identifiés comme décrocheurs, en cours ou en fin d’année scolaire. Cette coordination doit rassembler, à une échelle géographique pertinente, l’ensemble des acteurs locaux concernés par l’éducation, l’orientation et l’insertion des jeunes.
Aujourd’hui, la proposition de loi Ciotti propose un retour au schéma d’avant la loi de 2004, malgré les nombreuses réticences et les avis défavorables à ce modèle.
Le CNLE exprime son plein accord avec la position du Médiateur de la République qui a déclaré, le 21 avril dernier, qu’il préférait la notion de « contrat » passé avec les familles d’élèves absentéistes à une sanction telle que la suspension des allocations familiales.
Un large consensus est d’ailleurs affiché autour de l’inefficacité de cette mesure. Le CNLE considère, tout comme l’UNAF et les principales fédérations de parents d’élèves (la FCPE et la Peep), qu’il existe tout un arsenal de mesures créées par des lois récentes : tous ces dispositifs ont-ils été évalués ? A-t-on besoin d’une nouvelle loi ?
Le CNLE propose en premier lieu :
A ce titre, le CNLE espère que les projets expérimentaux en cours de réalisation ou d’évaluation du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse fourniront des pistes innovantes et de nouvelles perspectives d’action en faveur de la lutte contre l’absentéisme et le décrochage scolaire. Ces démarches originales n’auront cependant un avenir que si les processus expérimentés sont ensuite diffusés, soutenus politiquement et cofinancés de façon pérenne.
Le CNLE rappelle enfin que la politique de valorisation de l’apprentissage comme voie d’excellence, menée depuis plusieurs années avec succès, devrait encourager les adolescents, leurs parents et les éducateurs à considérer la voie des métiers comme une voie d’épanouissement, et non de relégation, pour les esprits plus attirés par des disciplines concrètes qu’abstraites.
Contact presse :
Christiane El Hayek, secrétaire générale :
christiane.elhayek@sante.gouv.fr
Télécharger le communiqué de presse :
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