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2009 : Etat des lieux du droit d’accès aux soins des femmes détenues et des détenus en général

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[23 octobre 2009]

L’Etude OMS « Santé des femmes en milieu carcéral » et la Déclaration de Kiev

L’OMS a réalisé en 2009, dans l’élan du projet « Santé en prison » de 1995, une étude intitulée « Santé des femmes en milieu carcéral. Eliminer les disparités entre les sexes en matière de santé dans les prisons ».

Il faut noter que cette étude a servi de document de base à une déclaration commune de l’Organisation mondiale de la santé et de l’Office des nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), en avril 2009, dite « Déclaration de Kiev », qui souligne que les représentants des Etats parties sont conscients du fait que « la prévalence des problèmes de santé mentale est élevée chez les femmes en prison et, le plus souvent, ces problèmes ne sont pas abordés de manière adéquate (stress post-traumatique, troubles dus à la consommation de substances psychotropes,...) » . Plus précisément, la déclaration fait état de ce que « les maladies mentales, y compris les problèmes liés à la toxicomanie et les traumatismes, sont rarement prises en compte », et que « les pouvoirs publics et responsables politiques des États membres devraient impérativement examiner leurs politiques et services actuels [...] ».

Cette étude tend alors à démontrer la « nécessité d’un changement et d’innovations pour améliorer l’état actuel des systèmes de santé et de justice pénale et l’état des prisons pour femmes dans toute l’Europe et le reste du monde ».

POUR EN SAVOIR PLUS :

- Consulter l’étude de l’Organisation mondiale de la santé « Santé des femmes en milieu carcéral. Eliminer les disparités entre les sexes en matière de santé dans les prisons », publiée en 2009 :

Etude 2009 OMS - Santé des femmes en milieu carcéral (PDF - 414.4 ko)

La santé des femmes sous le prisme de leur entrée en prison

Sur le même sujet il convient de citer l’ouvrage intitulé « La santé des femmes en France », publié en 2009 par la DREES. Cet ouvrage collectif dresse le bilan de l’état de santé des femmes en France, en focalisant ses observations sur divers aspects de la santé : santé sexuelle et reproductive, périnatalité, maladies infectieuses, maladies chroniques et vieillissement, cancer, addictions et toxicomanie, santé mentale, accidents et traumatismes, santé et travail, santé et précarité. Les données proviennent de deux enquêtes réalisées en 1997 et 2003 dans les Unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA), d’une troisième enquête, réalisée en 2001, décrivant la population prise en charge dans les Services médico-psychologique régionaux (SMPR) et d’une exploitation, pour l’année 2003, des rapports d’activité des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire et de psychiatrie générale.
Cet ouvrage démontre « la nécessité d’une approche sociale pour l’analyse des problèmes de santé afin d’orienter au mieux les politiques de santé. La réduction des inégalités de santé, qui demeurent importantes ou même s’aggravent, est un objectif crucial ».

En effet, outre le fait que les femmes sont peu nombreuses en prison, où elles représentaient 4,5% des entrants en 2003, on y apprend que :

  • les femmes arrivant en prison sont plus touchées que les hommes par le sida et l’hépatite B. Les taux de « séroprévalence » s’élèvent, pour elles, respectivement à 3,8% et 2% contre 0,9% et 0,8% pour les hommes. En revanche, elles déclarent être atteintes par l’hépatite C un peu moins souvent que les hommes (2,6% contre 3,2%) ;
  • à l’issue de la visite médicale d’entrée, un examen d’imagerie (hors dépistage de la tuberculose et radio dentaire) a été préconisé à un peu plus d’une femme entrant en prison sur quatre contre un peu moins d’un homme sur six. De même, la prescription de consultations spécialisées pour au moins un des problèmes somatiques retenus dans l’enquête a été plus fréquente pour elles et a concerné environ une femme sur dix contre environ un homme sur seize ;
  • la nécessité d’un suivi psychologique est apparue aux médecins plus fréquente pour les femmes entrant en prison que pour les hommes : hors motifs liés à l’alcoologie et à la toxicomanie, une consultation spécialisée en psychiatrie a été prescrite à environ une femme sur sept et un homme sur onze ;
  • les troubles les plus fréquents repérés chez les femmes par les psychiatres étaient les troubles anxieux (67% contre 55% chez les hommes) et les troubles dépressifs (45%).
POUR EN SAVOIR PLUS :

- Consulter en ligne l’ouvrage de Sandrine Danet et Lucile Olier, intitulé « La santé des femmes en France », réalisé sous la coordination de la DREES,

  • lire plus particulièrement sa partie « Santé et précarité »,

- Lire le rapport de Guénhaël Huet, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, intitulé « Femmes en détention : une réalité méconnue », publié en septembre 2009 par l’Assemblée nationale :

Rapport Huet (2009) Femmes en détention (PDF - 420.4 ko)

Projet de loi pénitentiaire d’octobre 2009

Ce dernier projet de réforme se place dans le prolongement des réformes précédentes, en continuant de confier au service public hospitalier la prise en charge de la santé des personnes détenues, avec le souci de leur garantir un accès aux soins identique à celui dont bénéficie l’ensemble de la population.

Le projet de loi pénitentiaire du 28 juillet 2008, sur lequel le gouvernement a déclaré l’urgence le 20 février 2009, a été adopté définitivement le 13 octobre 2009 par la commission mixte paritaire. Ce sont les articles 45 à 56 qui encadreront la prise en charge des détenus. A noter que le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 octobre 2009 par 60 parlementaires pour qu’il contrôle la constitutionnalité de ce texte.

Dans l’exposé des motifs du texte initial, on peut lire que « le gouvernement propose de consacrer le droit à la santé des détenus et la prise en charge des soins qui leur sont dispensés par le service public hospitalier [...] » et qu’il « entend également prévoir des aménagements destinés à concilier les dispositions de droit commun relevant du Code de la santé publique applicables aux détenus et les impératifs de sécurité que commande la situation carcérale ».

Le texte adopté énonce notamment, dans son article 46, que « la prise en charge de la santé des personnes détenues est assurée par le service public hospitalier dans les conditions prévues par le Code de la santé publique » (Al. 1er), « que la qualité et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population » (Al. 2) et qu’« un protocole signé par le directeur général de l’agence régionale de santé, le directeur interrégional des services pénitentiaires, le chef de l’établissement pénitentiaire et le directeur de l’établissement de santé concerné définit les conditions dans lesquelles est assurée l’intervention des professionnels de santé appelés à intervenir en urgence dans les établissements pénitentiaires, afin de garantir aux personnes détenues un accès aux soins d’urgence dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population » (Al. 3).

Ce texte affiche clairement la volonté du législateur de garantir aux personnes détenues un accès aux soins dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population. C’est en cela que ce texte est dans la continuité des textes antérieurs qui visaient à éviter que la médecine en milieu carcéral soit une « médecine inférieure ».

POUR EN SAVOIR PLUS :

- Lire le texte adopté le 13 octobre 2009 par l’Assemblée nationale dans le cadre de la commission mixte paritaire :
http://www.assemblee-nationale.fr/13/ta/ta0349.asp