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> Accueil > Dossiers thématiques > Santé et précarité > Organisation sanitaire en milieu carcéral, de 1945 à nos jours > 1993 : La santé des détenus comme un objectif de santé publique
[26 octobre 2009] Le « rapport Chodorge » devait, après un constat très critique sur l’organisation sanitaire en milieu carcéral et l’état de santé des détenus, initier une réforme de l’offre de soins aux détenus, avec l’idée centrale de les faire bénéficier d’un accès aux soins de qualité, identique à celui qui était offert à la population générale.
Au début des années 1990, le ministère de la Justice a saisi le Haut Comité de la Santé Publique (HCSP) afin de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour améliorer la prise en charge sanitaire des détenus. Le HCSP publiera, en janvier 1993, le « rapport Chodorge » intitulé « Santé en milieu carcéral », qui sera le premier rapport officiel dressant un constat critique de l’état de santé des détenus.
En effet, il constate que les locaux sont inappropriés, que le personnel médical manque, tout comme le personnel surveillant (ce qui empêche les hospitalisations), et qu’il y a une rareté des services spécialisés. On peut y lire : « Le dispositif sanitaire actuel n’est pas à la hauteur des exigences précédemment évoquées malgré des avancées notables intervenues depuis quelques années […] L’absence de savoir-faire et de légitimité de [l’administration pénitentiaire] à concevoir des politiques de santé et à assurer le repérage systématique des besoins des détenus en la matière, le recours à des personnels sanitaires de statuts très disparates, la précarité de leurs modes de rémunération nuisent à la capacité des services médicaux des établissements pénitentiaires à assurer convenablement la continuité des soins et à définir un véritable projet de service dans l’établissement ».
Les auteurs soulignent alors qu’« il est indispensable que les personnes incarcérées puissent bénéficier dans leur ensemble d’un accès aux soins de qualité identique à celui qui est offert à la population générale ». Aussi ont-ils souhaité mettre l’accent sur trois priorités : la médecine préventive (dépistage du VIH, de la tuberculose, de la syphilis, du tabagisme, de l’alcoolisme, mais aussi information et éducation du personnel et des détenus), l’accès aux soins somatiques, et la prise en charge de la santé mentale.
Lire le rapport de Gilbert Chodorge et Guy Nicolas, « Santé en milieu carcéral. Rapport sur l’amélioration de la prise en charge sanitaire des détenus », publié en janvier 1993 par le Haut Comité de la Santé Publique :
La mise en œuvre de cette réforme a donc failli se faire dans l’urgence, et par décret.
A l’approche des législatives de mars 1993, avec la conscience de l’urgence à agir, le gouvernement publie le décret 93-704 du 27 mars 1993 relatif aux soins dispensés en milieu pénitentiaire par les établissements publics de santé, qui devait entrer en vigueur le 1er juillet 1993. Ce décret n’a jamais été appliqué du fait de son abrogation par le décret 94-929 du 27 octobre 1994 relatif aux soins dispensés aux détenus par les établissements de santé assurant le service public hospitalier, à la protection sociale des détenus et à la situation des personnels infirmiers des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire, pris en application de la loi 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale. En effet, « il est apparu que certaines dispositions, telle l’implication des caisses d’assurance maladie, justifiait l’intervention du législateur en application de l’article 34 de la Constitution de 1958 » [1].
Tout ceci explique qu’il ait fallu attendre 1994 pour assister à la réorganisation de l’offre de soins en prison.
[1] « La santé en prison », I. Chauvin, Actions sociales, ESF Editeur, 2000, p. 52.